Déprogrammer la culpabilité, la honte, la peur et la colère

Les principales religions enseignent que ce que nous voulons, notre passion et notre avidité sont la cause de notre souffrance. Si c’est certainement vrai, ces enseignements sur les dangers du désir renforcent souvent notre haine de nous-même. … on nous apprend à nous méfier de la beauté sauvage et de l’intensité de nos passions naturelles, à avoir peur de perdre le contrôle. Tara Brach dans Radical Acceptance.

Comment faire la paix avec ce désir avec lequel la religion souvent nous apprend à faire la guerre au moyen de la culpabilité et de la honte et de la peur, du mauvais moi?
Ce sentiment du mauvais moi, de la non estime de soi, est un des sujets récurrents du livre de Tara Brach. Celles et ceux qui ont vécu dans l’environnement d’une religion, où la culpabilité va souvent de pair avec la rigueur morale, peuvent trouver une nouvelle manière d’être en désamorçant culpabilité, honte, peur et colère.
Les sentiments, comme le dit Antonio Damasio dans Spinoza avait raison, sont une représentation mentale, intellectualisée du corps. Les sentiments sont la version conceptualisée, intellectualisée des émotions qui, elles, sont la mise en oeuvre de mécanismes du corps : hormones,muscles, viscères, neurones, neurotransmetteurs, etc. Nous avons donc le rapport sentiment/émotion = intellect/sensation soit : le sentiment est à l’émotion ce que l’intellect est à la sensation. Mais comme nous sommes des êtres entiers et intégrés, nous avons tendance à fusionner sentiment et émotion ou intellect et sensation: on nous fait telle remarque critique qui nous touche, nous avons immédiatement une réaction viscérale – par exemple à l’estomac ou à la poitrine – qui s’accompagne de pensées négatives qui souvent sont reliées au mauvais moi : « si ceci arrive c’est que je suis mauvais, c’est que je suis inadapté, mal foutu,… »
Il n’y a pas à nier les émotions. Bien au contraire, il suffit d’en appréhender leur chair, leur texture et leur aspect transitoire. Comment? en activant la pleine conscience et en observant les sensations de notre corps, là où des tensions, des noeuds apparaissent – dans le ventre, dans la poitrine, dans la nuque, dans les épaules,… – au moment même où l’émotion est éprouvée, laissant ainsi les pensées négatives disparaître. En mettant notre attention sur les sensations physiques nous défaisons les connexions automatiques qui existent entre sensations physique(émotions) et jugement intellectuels(sentiments). Nous déprogrammons la relation entre le réflexe viscéral et le jugement. La culpabilité, la honte, la peur, la colère se dématérialisent. Elles perdent de leur force et de leur dureté. Une parenthèse s’ouvre qui potentiellement libère de l’espace pour que se produise la guérison des douleurs passées. Progressivement, le mauvais moi, lié au jugement, peut disparaître. Le livre de Tara Brach est jalonné de nombreux exemples tirés de son expérience de psychothérapeute qui montrent que la pleine conscience, ce qu’elle appelle, elle, l’acceptation radicale, peut être une aide précieuse dans la guérison et la transformation des émotions et schémas négatifs.

Radical Acceptance: Awakening the Love that Heals Fear and Shame
Tara Brach, Bantam Dell, 2003 (non traduit)

Spinoza avait raison, Joie et tristesse, le cerveau des émotions
Antonio R. Damasio,Odile Jacob poche ,2005 (295 pages sans les notes)