Engager les décideurs à méditer

Voici un livre revigorant de Sébastien Henri, entrepreneur qui a obtenu un certain succès dans les affaires et qui consacre désormais ses efforts a plaider la cause de la méditation et inviter les décideurs à la pratiquer.
Ce n’est pas un livre de plus pour apprendre à méditer même s’il contient quelques exercices méditatifs et introspectifs. Entrant en matière par la consigne qu’il vaut mieux ne rien attendre de la méditation, il souligne peu après, que fort heureusement, il ne faut pas longtemps avant que la méditation ne fasse ses preuves pour les décideurs qui la pratiquent. Défenseur ambitieux de l’introduction de la méditation en entreprise, il ne craint pas d’utiliser le terme de méditation plutôt que le terme de « mindfulness » souvent utilisé pour accentuer le caractère laïque des techniques de méditation. Les deux termes sont ici définis et articulés de manière précise car ils ne sont pas synonymes.
Sébastien Henry se sert des entretiens qu’il a eus avec 60 de ces décideurs du monde de l’entreprise qui pratiquent la méditation.

Quels sont les bienfaits de la méditation que ces décideurs évoquent :
– une compréhension plus profonde et plus rapide de leurs collaborateurs grâce à d’avantage d’empathie,
– le courage d’aborder sans tarder les situations les plus délicates,
– plus de justesse dans la prise de décision
– une présence plus rayonnante
– une créativité accrue

Afin de légitimer la méditation, l’auteur met en valeur un certain nombre d’études scientifiques qui montrent ses divers bienfaits.
Mais comme le titre l’indique, le livre cherche à montrer l’intérêt de l’outil méditation pour le développement de la sagesse, et ne s’attarde pas seulement sur les effets mesurables en terme d’efficacité. En cela, le livre est courageux. Un des sept chapitres est ainsi consacré à la transformation intérieure.

Sébastien Henry relie le développement de la sagesse par la méditation à d’autres théories ou réflexions sur l’entreprise comme la triple bottom line (qui combine les objectifs financiers, écologiques, et sociaux), ou le concept de valeur partagée (la valeur de ce que produit l’entreprise pour différents groupes, pas seulement les actionnaires ou les dirigeants). Pour lui, il est nécessaire et vital que les décideurs ne se préoccupent pas seulement des intérêts de leur organisation ou de leurs propres intérêts. Le livre est émaillé d’exemples de décideurs qui ont opéré des changements dans ce sens.
Afin de répondre aux principaux défis du 21e siècle (souffrance psychologique, déséquilibre de l’écologie, malnutrition et écarts des conditions de vie) il pense qu’un sursaut de conscience est nécessaire. Il avance que ce sursaut est possible si 15 à 20% de décideurs sont engagés dans des pratiques de sagesse .

Dans ce cadre, la méditation est la pratique la plus recommandable pour des raisons de simplicité, de laïcité et d’efficacité.
Ainsi la formation à la méditation en entreprise ne devrait pas se limiter (comme trop souvent) à une introduction ou à un outil de gestion du stress mais inclure le développement du leadership et se dérouler sur une période suffisamment longue pour avoir un réel impact.
Des modules de formation au leadership intégrant la méditation pourraient s’intégrer aux cycles d’études des décideurs (MBA, écoles de commerce).
La création de monastères laïques, lieux de retraite et de ressourcement, ainsi que des groupes de discussion soutiendraient et enrichiraient la pratique des décideurs.
Finalement, l’école devrait pouvoir se consacrer un peu plus à favoriser l’apprentissage de l’intelligence émotionnelle, notamment grâce à la méditation.
On le voit, l’évolution envisagée est substantielle.

Le monde est-il prêt à se transformer sous l’influence, l’exemple et le leadership de décideurs qui, comme Sébastien Henry possèdent une vision panoramique du monde, de ses défis et de ses interactions? Ce qui est sûr c’est qu’aux Etats-Unis, on assiste à une déferlante qui met la méditation au coeur de l’entreprise, du sport, des prisons et de l’école, etc. La méditation pénètre de nombreux secteurs de la société… et elle a déjà certains effets transformateurs (par exemple sur l’absentéisme dans les écoles des quartiers très défavorisés).

Mais la méditation, qui est pourtant un sujet revenant régulièrement dans la France des media, suscite encore des méfiances dans la France de l’entreprise.
L’image de la méditation doit-elle changer? Pour la laïciser, condition de son intégration, doit-on la rendre essentiellement technique et supprimer tout lien avec une spiritualité ou une transformation intérieure quelconque? Au contraire, Sébastien Henry répond qu’il faut la présenter la plus largement possible, de manière technique mais sans gommer le potentiel de développement des qualités du leadership et de transformation intérieure vers plus de sagesse. Au fort de la crise économique et de confiance que nous vivons, gageons que rien n’est perdu et que tout est à expérimenter !!!

Ces décideurs qui méditent et s’engagent : un pont entre sagesse et business, 288p. Dunod.