Bienveillance consciente et alimentation

Les définitions ont l’avantage d’être un prélude à des points de vue plus élaborés et de renvoyer par la suite à des sens multiples, imbriqués, interconnectés. Ainsi en est-il du terme de pleine conscience dont la définition ― porter une attention délibérée, dans le moment présent, sans jugement ― peut s’élargir de différents aspects plus spécifiques
Un de ces aspects de la pleine conscience peut être appelée bienveillance consciente ou encore conscience discriminante. C’est cet aspect de la pleine conscience qui, au coeur de la vie et au coeur de l’action, nous permet de faire des choix, appropriés et pertinents, judicieux et réfléchis, dans notre intérêt et, si possible, dans l’intérêt des personnes impliquées.
La bienveillance consciente n’est pas seulement une technique, ce n’est pas l’application aveugle d’une méthode qui serait le remplacement d’un automatisme intérieur par une règle venue de l’extérieur.
Cette manière d’observer le rapport que nous entretenons avec diverses situations, actions, implique que nous ayons confiance dans notre bienveillance : confiance dans notre capacité à faire des choix qui vont à l’encontre de nos automatismes, confiance dans notre détermination à choisir contre le grain de nos habitudes.
C’est la confiance bienveillante qui retient l’enfant turbulent de nos habitudes/schémas pour laisser la place à une action, ou parfois à une non-action, plus judicieuse qui créera moins de difficultés ou de souffrances.
Prenons l’exemple de notre alimentation : le rapport que nous entretenons avec la nourriture au travers de nos choix d’aliments, de notre manière de déguster ou d’ingérer la nourriture est souvent un rapport automatique: parfois il n’y a qu’un nombre réduit d’aliments et un seul mode de dégustation/ingestion.
Mais prenons l’exemple suivant sans doute plus courant : nous sommes devant notre déjeuner et nous sommes d’une humeur anxieuse et envahis par des pensées négatives qui prolifèrent. Notre tendance automatique pourra être d’avaler la nourriture (parce qu’il faut bien manger) sans la goûter, laissant ainsi la place libre à nos pensées répétitives. La conscience discriminante ou la bienveillance consciente, elle, permet l’espace d’observation sans jugement de notre humeur anxieuse. Elle constate l’anxiété. Mais elle va plus loin, car c’est elle qui par sa confiance nous permet de changer de comportement, de ralentir notre ingestion et de passer plus de temps à observer les goûts de nos aliments. Nous passons ainsi d’un accaparement par des pensées négatives répétées à une observation focalisée des sensations liées au goût, à la salivation, à la mastication. Cette observation va alors diminuer la virulence de nos pensées. Nous remplaçons l’ornière de l’habitude par le cercle vertueux de la transformation…Passer de la théorie à la pratique n’est pas si simple, et on ne sort pas toujours de son angoisse aussi facilement. Mais la pratique répétée de l’observation attentive de nos sensations, forme une base solide qui est très utile dans les moments où nous nous sentons plus vulnérables.