Soigner et guérir

Soigner ne veut peut-être pas dire guérir, ou peut-être pas tout le temps. Soigner c’est avant tout s’occuper du bien-être du malade, accompagner la maladie, s’en occuper, la prendre en compte.
Cette différence entre soin et guérison est le thème d’une présentation de Winnicott, pédopsychiatre et psychanalyste anglais, en 1970. « Cure », est le mot anglais qui signifiait à l’origine « soigner » mais dont le sens s’est progressivement transformé en « guérir ». « Care » veut clairement dire soigner, au sens de prendre soin et s’occuper du bien-être des malades.
Winicott rétablit la distinction et la nécessaire complémentarité entre ce qu’il appelle « cure-care », le soigner-prendre soin, et « cure-remedy », le soigner-guérir: pour lui les professionnels de santé doivent s’engager à travailler dans ces deux directions et faire en sorte notamment que la médecine-guérison ne supplante pas la médecine qui prend soin.

Cette distinction entre soigner et guérir me paraît assez importante dans la pratique de la pleine conscience telle qu’elle est proposée dans le programme MBSR. Les participants ont souvent des désirs avoués ou inconscients de « guérison » à laquelle je donnerais le sens plus large de résultat. Le rôle de l’instructeur ou instructrice est bien d’accompagner ces participants, dans l’aspect exigeant de la pratique : les difficultés d’insérer des séances de méditation dans un emploi du temps déjà surchargé, parfois faire face à l’ennui lors de ces pratiques méditatives, avancer lentement pas à pas, affronter les frustrations liées à l’attente de résultats immédiats. Elle ou il les invite à remettre le cap sur leur expérience, sur l’observation détaillée de leur vie et sur les questions qu’elle suscite. Ainsi les participants construisent leur propre pratique et prennent soin d’eux-mêmes. L’instructrice/teur est une soignante ou « caregiver » qui offre aux stagiaires la possibilité d’être leur propre soignant et éventuellement leur « guérisseur ».
Les signes de cette « guérison » sont souvent la découverte de schémas de comportement automatique dont la négativité est mieux perçue et un abandon quasi simultané de cette habitude soudainement interrompue, parfois sans beaucoup d’effort. C’est aussi la reconnaissance des richesses déjà présentes dans nos vies. Si ces fruits/résultats durant les 8 séances et la journée sont là, c ‘est magnifique, mais le plus important et ce que l’on espère restera dans la mémoire des participants, c’est que prendre soin de nous-mêmes c’est nous observer avec bienveillance et d’une certaine manière, c’est cela la guérison : the cure is the care.