Le règne de l’homme

« Notre combat ce n’est pas de sauver la planète, c’est de sauver le bien-être de l’humain sur la planète, parce qu’on en a besoin de cette diversité biologique, c’est notre existence à  nous qui est menacée ».  Gilles Boeuf, professeur à l’université Pierre et Marie Curie(exposition Le grand orchestre des animaux, Fondation Cartier).

La photographie ci-dessus représente une grenouille dorée du Panama. espèce disparue de la surface du globe entre 2002 et 2004 mais survivant et se reproduisant grâce à l’intervention de scientifiques qui font vivre et se reproduire des spécimens sauvegardés dans des aquariums.  C’est un exemple de l’accélération du taux d’extinction des amphibiens.  Le coupable est un champignon microscopique qui provoque des infarctus et le vrai coupable, c’est l’homme qui par l’augmentation des transports a favorisé la diffusion  de ce champignon dans tous les recoins du globe.

L’anthropocène est un terme apparu récemment pour qualifier la période géologique dans laquelle nous nous trouvons .  Si les géologues n’ont pas encore validé ce qu’il désigne, le terme pointe vers l’impact de plus en plus perturbateur de l’activité humaine sur les équilibres de notre planète et notamment sur le climat.   Crise climatique,  à venir pour certains, déjà largement amorcée pour la plupart des scientifiques qui étudient la question.

D’après les chiffres publiés par le PNUE, Programme des Nations Unies pour l’Environnement, même si les engagements des états de la COP 21 sont tenus,  cela ne suffira pas pour maintenir l’augmentation de température au niveau de 2 degrés en 2030….

Certains scientifiques n’hésitent pas à utiliser une métaphore brutale :  nous sommes comme le conducteur d’une voiture qui aurait lâché le volant.

Les signes de l’acidification des océans, notamment le blanchissement des coraux, sont objectifs.  Une espèce disparaît toutes les 20 minutes.  La Terre, semble bien malade et bien stressée.

Depuis 50 ans les scientifiques sonnent l’alerte.  Mais il y a un formidable rempart contre ces mauvaises nouvelles : le déni. Nous ne sommes pas sourds, mais résistons au changement par l’inertie de nos modes de production et  de consommation.  Nous résistons en croyant ou en faisant semblant de croire que seul un modèle économique basé sur la croissance est viable, et offre un emploi au plus grand nombre.

Comment est-ce possible?  Comment pouvons-nous continuer à agir de la même façon, pourquoi sommes-nous à ce point coincés dans nos comportements?  Comment la collectivité peut-elle se réveiller?

Nous devrions commencer par diminuer notre marque sur la planète, notre empreinte de CO2.   Idéalement, nous devrions moins voyager, moins utiliser notre voiture, rouler moins vite, moins acheter d’objets non indispensables, moins consommer.  Idéalement, nous devrions promouvoir des comportements basés sur la retenue.

Mais pourquoi faire ces efforts ?  Avons-nous abandonné ?

Que faisons-nous pour nous réveiller collectivement ?  Pouvons nous faire semblant de ne pas aller à notre perte ?

Le livre de Paul Jorion, Le dernier qui s’en va éteint la lumière,  s’il est d’une humeur très pessimiste,  identifie habilement les rouages qui empêchent une évolution positive du monde et conduisent potentiellement à l’extinction de notre espèce :  financiarisation de l’économie qui accentue les inégalités, accélération de la robotisation et de l’automatisation qui accentue le chômage , incapacité à prévenir la crise climatique qui rend plus difficile notre adaptation à l’environnement.

Dans la même direction mais sous un autre angle, le livre d’Elisabeth Kolbert, Prix Pulitzer 2015, La sixième extinction, nous balade dans différentes parties du globe, de la jungle du Pérou aux barrières de corail près de l’Australie, pour rencontrer les scientifiques qui étudient l’évolution des espèces, et  l’impact de l’activité humaine sur leur disparition.  Nous apprenons ainsi que ce n’est pas la première fois que l’humain détruit d’autres espèces.  Nous les humains modernes, apparus il y a environ 40000 ans, aurions même détruits , nos cousins, les protohumains de Néanderthal.

Il y a bien eu 5 extinctions massives d’espèces depuis l’apparition de la vie sur la terre.  Nous sommes probablement dans la 6eme.  Selon des estimations de scientifiques, les amphibiens, anciennement appelés batraciens, soit les grenouilles, salamandres et autres, sont en train de disparaître à un taux 45000 fois plus élevés que leur taux de disparition moyen depuis qu’elles existent.  Un tiers des coraux formant les récifs, un tiers des mollusques d’eau douce, un tiers des requins, un cinquième des reptiles et un sixième des oiseaux ont une mort programmée.  Quant aux espèces les plus proches de nous, gorilles, chimpanzés, orang-outang, leur éradication est en cours. En cause le braconnage, les maladies et la disparition de leur habitat.

Il n’est pas certain, comme le suggère Paul Jorion, que nous, les humains, nous disparaissions pour toujours, éventuellement pour être remplacés par des robots plus intelligents.  Par contre, ce qui est sûr, c’est que nous imposons des modifications accélérées à notre environnement, que cela se manifeste par une diminution importante de la biodiversité, que cela à des conséquences à long terme sur le climat et les conditions de notre survie et que pour le moment nous n’avons pas trouvé la voie du ralentissement de cet impact.  Est-ce déjà trop tard?

On peut ne pas savoir quoi faire, c’est difficile de ne pas y penser.

La sixième extinction. Comment l’homme détruit la vie, Elisabeth Kollbert,  Editions La librairie Vuibert. 2015

Le dernier qui s’en va éteint la lumière, Paul Jorion, Fayard, 2016