Se promener sur les quais de la Seine

Depuis le 17 mars, je suis allé régulièrement longer les berges de la Seine, en haut des quais. De début à mi-Avril, quand je ne croisais que de rares passants, l’impression était à la fois douce et surprenante.
Des pensées me venaient sur notre fragilité dans cette épidémie, les souffrances des malades, les désarrois et le courage des soignants, la mort. Ces petites turbulences étaient calmées par la nouvelle tournure du paysage urbain : la largeur de la Seine sans les péniches habituelles, le calme des eaux reflétant la pureté surpenante du bleu du ciel, la verdeur printanière des peupliers d’Italie, feuilles en petits carrés qui scintillent à la lumière dès le moindre mouvement d’air. L’impression de pureté submergeait. Le monde se reposait de son agitation et la nature reprenait son rythme, son espace et ses couleurs. La paix survenait au milieu de la catastrophe, au milieu de cette guerre invisible. Immanquablement, l’attention se contentait de voir, d’apprécier ce qui était vu et ressenti, comme le vent rafraichissant les pores de mon visage à la chaleur du soleil. La Seine continuait de couler ramenant les vers d’Apolinnaire :

Vienne la nuit, sonne l’heure
Les jours s’en vont, je demeure

Le temps ralenti permettait à toutes les poésies de poindre. Merveilleux moments.

L’amour s’en va comme cette eau courante
L’amour s’en va
Comme la vie est lente
Et comme l’Espérance est violente